Arboriculture biodynamique
Céline Leeman-Broyer

La biodynamie, ce n'est pas sorcier

Frédéric Vanpoulle est expert en arboriculture biodynamique depuis 30 ans. Il nous éclaire sur les origines de la biodynamie, ses utilisations et ses atouts en agriculture, maraichage, viticulture et arboriculture.

Frédéric Vanpoulle, passioné par la nature et son cycle est expert en arboriculture biodynamique depuis 30 ans. Il nous éclaire sur les origines de la biodynamie, ses utilisations, méthodes et ses atouts en agriculture, maraichage, viticulture et arboriculture.

C’est Rudolf Steiner, un philosophe autrichien qui a inventé les méthodes de biodynamie agricole en 1924. Il est aussi connu aussi pour les écoles qui portent le nom Steiner-Waldorf. En 1924, il réalisa une semaine de conférences en expliquant à un public d’agriculteurs une nouvelle façon originale d’aborder la terre, l'eau, la nature et globalement le rythme du vivant. Il postule le précepte suivant : l’existence des forces du vivant sont en lien direct avec le cosmos, dynamique importante pour la qualité nutritive des aliments. Pour faire simple, ses idées fondamentales sont que les insectes, les animaux, les racines, plantes, arbres font partie d'un ecosystème qui doit être respecté par les êtres humains qui eux mêmes jouent un rôle dedans. La ferme est donc un domaine qui doit être approché comme un organisme vivant global où les sols fertiles et leur biodiversité sont des organes au même titre que l’agriculteur.



Pour Rudolf Steiner, on ne peut pas comprendre les végétaux si on ne comprend pas que les végétaux sont en lien avec le cosmos. Il avait en effet une conception ésotérique du monde et de son équilibre. Il était partisan de comprendre et travailler avec les rythmes lunaires et planétaires dans le but de rétablit l'équilibre des sols et d'améliorer la qualité des aliments produits. Mais on peut s’intéresser à l'arboriculture biodynamique sans forcément adhérer à cette vision et vénérer demeter. La communauté scientifique se penche même sur les résultats prometteurs de cette pratique peu connue.

D’ailleurs, les viticulteurs qui l’utilisent ne sont pas des ésotériques. La biodynamie est le courant fondateur de l'agriculture biologique et durable tel qu'on le connaît depuis les années 70 en réaction au système de production intensif. À l’époque, au début du XXème siècle, il n’y avait pas de bases scientifiques aux principes que Steiner énonçait. Et pourtant certains vignerons utilisaient deja cette méthode pour améliorer la qualité de leurs vins. 

La seconde guerre mondiale a marqué un temps d’arrêt après les premières utilisations de l'arboriculture biodynamique, pour ensuite progressivement se développer. Elle représente aujourd'hui  3 % des pratiques de l’agriculture raisonnée,  biologique et durable et se pratique dans le monde entier. 

En Europe, la Suisse et l’Allemagne sont en tête des utilisations et des recherches scientifiques. Au cours du temps, le pragmatisme l’a emporté, puisque des résultats concrets démontrent les bienfaits de la biodynamie en agriculture notament l'influence qu'elle a sur l'amélioration de le goût des aliments. La recherche scientifique s’y intéresse : L’INRAE mène actuellement des travaux d'étude sur le vignoble pour comparer les résultats sur les sols et les cultures de vignes provenant des trois pratiques : AB, en biodynamie, et en conventionnel.

La biodynamie passe par l’utilisation de préparations spécifiques  à épandre sur le sol, les plantes ou à mélanger au compost. Les préparations biodynamiques sont composées de plantes médicinales, de minéraux et de matières organiques (bouse de vache) . Elles se répandent à de très faibles doses, comparé aux engrais traditionnel, ce qui surprend toujours. Mais c’est le signal que l’on envoie aux organismes qui importe ici. Ces doses sont de l’information que l’on amène aux sols et aux plantes. Steiner a élaboré différentes préparations toujours utilisées aujourd’hui. 

Ces pratiques spécifiques ont pour objectif de favoriser la vitalité des cultures et les processus de vie au sein de la ferme ou du jardin. On cherche a créer du lien entre le sol, la plante et le monde animal, restaurer l’unité des écosystèmes et stimuler les échanges entre ses différents « organes ». 

La biodynamie pratiquée en Europe est axée sur la qualité alimentaire : c'est un moyen utilisé dans le but de rendre les produits plus séduisants pour les consommateurs en améliorant les qualités gustatives et physiques des aliments. En viticulture, elle se développe, car elle offre en effet des résultats précieux sur la qualité du vin et sa réputation ne cesse de croître dans les vignobles. L'agriculture biodynamique peut être réalisée par tous, du jardin de particuliers aux grandes fermes d'exploitations. En Australie, des grandes fermes de milliers d’hectares améliorent fortement la qualité de leurs sols et leur richesse en humus. En France, en arboriculture, de belles références se développent, je connais par exemple un verger de 45 hectares qui utilise la méthode biodynamique avec succès. Les préparations biodynamiques ont des effets intéressants : elles améliorent la coloration des fruits qui sont aussi plus goûtus. En revanche les producteurs ne doivent pas s'attendre à des augmentations de leurs rendements. 



À la base, je suis ingénieur en agronomie. Il y a 40 ans, durant mes études, on ne parlait ni d’Agriculture Biologique, ni de biodynamie dans la littérature scientifique transmise. Je ne pensais pas que le bio pouvait alimenter le monde, en revanche maintenant je suis convaincu du contraire. J’ai assisté un jour à une conférence sur les agricultures alternatives. Il s’agissait d’un sujet sur les ‘cristallisation sensibles’. Cela m’a passionné et ouvert l’esprit à comprendre que des forces de vie structurent le vivant. J’ai alors pris conscience que les sciences agronomiques telles qu’elles étaient enseignées omettaient de traiter de la moitié du monde. Je me suis mis à étudier et approfondir le sujet pour arriver à la découverte de la biodynamie, la tester et à apprécier le processus et les résultats, surtout gustatifs.



Oui, bien sûr, vous pouvez mettre en place cette méthode en utilisant les préparations pour toutes les productions et pour les animaux aussi. En pratique professionnelle, aujourd’hui en France, elle est appliquée majoritairement pour la vigne, l’arboriculture, le maraichage et des éleveurs se sont aussi convertis pour le lait et les poules.



La biodynamie passe par l’application de préparations destinées spécifiquement à ça, entre deux fois à six fois par an sur toutes les cultures pour soutenir la qualité des sols ainsi qui l’enracinement des plantes et la santé des plantes. À cela s’ajoutent d’autres préparations à mélanger au compost. Vous pouvez vous procurer les mélanges auprès de réseaux locaux ou nationaux. Le matériel aussi aura son importance, un pulvérisateur spécialement dédié et une machine avec des vortex pour brasser les préparations et les dynamiser seront essentiels.

J’ai fait des erreurs au début. Il y a trente ans, j’ai tout misé sur la biodynamie. Mais la biodynamie n’est pas le fondement de base d'une culture agricole, c'est un atout avec des avantages indéniables qui accentue notre compréhension et le respect de l'environnement . J’ai compris qu’il fallait d’abord abandonner le chimique et maitriser ses techniques agricoles traditionelles. En somme, faire de la ‘bonne agriculture’ conventionnelle ou bio. Ensuite, une fois que le système est géré, l’objectif va être de rechercher une meilleure résilience,  autonomie et régénération des sols face à la sécheresse, face aux maladies et une meilleure qualité des produits. Il faut faire les choses dans le bon sens, sinon, on perd du temps. Donc, pour un jardinier qui veut découvrir ou un agriculteur qui veut se lancer, il y a des formations dispensées par des professionnels, afin de permettre une comprehension à la fois globale et approfondie de la fertilité des sols, et de leurs cycles. 

Expert en arboriculture biodynamique

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